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Lettre ouverte au DG

publié le 05/01/2021 à 14:31, modifié le 13/04/2022 à 11:04

DE LA PERTE DE LA MAITRISE DU SI ET DE SES CONSEQUENCES

Monsieur le Directeur Général de Pôle emploi,

 

Les dysfonctionnements informatiques sont de plus en plus fréquents et de plus en plus graves, comme ceux rencontrés ces dernières semaines. En effet, jamais le Service Informatique (SI) de Pôle emploi n’avait connu « une instabilité » aussi longue avec pour conséquences une incapacité pour les agents à faire leur travail correctement, un isolement face aux problèmes engendrés, une dégradation des conditions de travail, un sentiment d’impuissance face à nos usagers.

 

À cela s’ajoute votre non prise en compte de la situation et votre volonté à vouloir fonctionner, coûte que coûte, comme si « tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes », mettant ainsi en danger les agents.

 

À tous les agents de Pôle-emploi, dont ceux de la DSI, nous souhaitons témoigner de notre solidarité face au désarroi dans lequel ils sont plongés du fait de l’instabilité du Système d’Information.

 

Depuis de nombreuses années la CGT Pôle emploi et plus particulièrement la CGT DSI vous alertent sur les conséquences des choix politiques et organisationnels que vous faites.

 

L’externalisation des activités de la DSI à des prestataires de Services est malheureusement une longue histoire. Aujourd’hui, les effectifs des prestataires représentent le même niveau d’emploi en équivalent temps plein que les agents internes de la DSI, soit (1600/3200). Parmi le personnel prestataire, 450 occupent in-situ des postes sur les missions et des activités récurrentes, ce qui est totalement illégal. Les montants de ces marchés sont gigantesques (le dernier en date s’élève à 480 millions d’euros sur 4 ans) et ils fournissent de la main d’œuvre sur l’ensemble des activités du SI. Dans ces conditions comment estimez-vous que Pôle emploi puisse rester maître de cette informatique, outil essentiel et incontournable des missions que nous avons à rendre auprès de nos usagers ?

 

Rien n’est fait par vos Directions pour maintenir les compétences et les connaissances en interne notamment sur les applicatifs métiers. Les obligations légales imposent un turn-over des prestataires tous les 4 ans, sous peine de délit de marchandage de main d’œuvre. Les départs des agents de Pôle emploi en retraite ne sont pas toujours compensés d’où le vieillissement du personnel de la DSI. Pour ceux qui restent le recours à la prestation freine les évolutions de carrière ce qui entraîne là aussi le départ des jeunes recrutés désabusés par tant d’inertie dans le monde de l’informatique Agile… sans parler d’un référentiel métier et d’une classification hors sol.

 

Cette politique que vous menez ainsi que celle de vos prédécesseurs a repoussé année après année la « ré écriture » des applicatifs métiers dont certains datent de ….1984. Victime de cet héritage et de ses adaptations successives, le SI actuel est constitué de couches de composants techniques et fonctionnels multiples et hétérogènes le rendant très complexe et fragile. Les salariés de la DSI se démènent pour continuer à le faire fonctionner. Mais les rajouts sur rajouts créent une instabilité du système, une dette technique qui a de plus un coût exorbitant pour avoir tant remis au lendemain.

 

Avec l’externalisation des soi-disant métiers « à peu de valeur ajoutée » comme les métiers du support aux utilisateurs (que sont les collègues de Pôle emploi), sont touchées les activités essentielles de captation du ressenti des agents par rapport à leur outil de travail. Cette perte de connaissance de l’expérience des utilisateurs empêche un suivi au plus près des dysfonctionnements. Mais c’est un gain, voire une rente pour ces sociétés prestataires dont le but est le profit maximum (15€ par décroché d’appel pour l’AD) et non la satisfaction de l’utilisateur.

 

Même chose concernant le support à l’applicatif métier « AUDE ». La connaissance de cet applicatif ne peut être qu’interne. Pour compenser le manque d’effectif et de compétences, il est fait appel à des « vacataires », c’est-à-dire des collègues du réseau en mission pour venir renforcer les effectifs de la DSI. Pourtant, vous avez prévu d’externaliser complètement ce support.

 

La dépendance à la sous-traitance prend encore plus un goût amer lorsque l’un des plus importants prestataires (Sopra-Steria) se fait pirater par un rançongiciel (ransomware) et que ses 300 salariés sont dans l’incapacité de travailler pour la DSI de Pôle emploi sous peine de transmettre le fameux virus. Ici les masques ne suffisent plus. Les gestes barrières et l’éloignement des postes infectés deviennent une nécessité.

 

La pression que vous exercez sur les services informatiques est également une des causes de dysfonctionnement.

 

La « transformation digitale » de Pôle-emploi dans la « Startup Nation » et son train d’innovations continues, impliquent une pression constante et incessante de la DG sur les livraisons de leurs contenus. Tout est prioritaire ! Vous avez donc aussi votre part de responsabilité dans l'instabilité du SI, car insérer au dernier moment des demandes supplémentaires dans les livraisons SI, souvent la veille pour le lendemain, implique que ces « nouveautés » ne soient pas testées dans leur environnement de qualification faute de temps, ce qui accroît fortement les risques pour la stabilité du SI.

 

Et ce n’est pas la réactivité des collègues qui est en cause. On l’a constaté lors du 1er confinement, c’est grâce à l’implication des agents de la DSI qui se sont mobilisés des jours durant sans compter leurs heures, pour faciliter les connexions au système ou encore organiser la distribution du matériel nécessaire aux agents afin qu’ils puissent travailler de chez eux, que les services essentiels ont pu être rendus. L’ensemble des agents du réseau et des fonctions supports ont salué cette performance.

 

Facteur aggravant de l'instabilité du SI, les multiples réorganisations de la DSI dont celle de 2015 qui a vu l’instauration « des pôles de compétences » sur le modèle d'une entreprise de services numériques (ESN, ex-SSII). Plus de la moitié des salariés internes (+ de 900) sont « missionnés » (un peu comme en intérim ou au forfait chez un client) et sont rattachés à deux responsables (un responsable hiérarchique RH et un responsable opérationnel pour le travail de tous les jours).

 

Les élus du CSE de la DSI s'étaient opposés à l’unanimité à cette double hiérarchie et avaient souligné les risques de dysfonctionnements et de RPS (manque de reconnaissance du travail fait, isolement …) et que celle-ci n’apportait pas la preuve d’un gain d'efficacité. Ce constat est partagé par nombre de nos collègues de la DSI qui considèrent que cette organisation est un frein.

 

Le constat est accablant et votre responsabilité dans les choix que vous avez faits est totale.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment à l’avenir stabiliser notre système informatique à la fois pour nos usagers mais aussi pour les collègues de Pôle emploi. Il est pour nous indispensable :

De ré internaliser l’ensemble des activités et tous les emplois pour assurer la maîtrise, la stabilité et la pérennité du système d’information

D’embaucher en CDI en cohérence avec le marché du travail et de remettre à plat le référentiel métier et la classification

De permettre la mobilité professionnelle interne notamment par l’intégration à la DSI des collègues « vacataires » qui sont aujourd’hui en mission au support applicatif

D’effacer la « dette technique » en donnant les moyens financiers et humains pour réécrire les applicatifs qui reposent pour certains sur des technologies obsolètes

De remettre à plat l’organisation de la DSI mais aussi les relations métiers/DSI.

 

De plus, malgré nos alertes, vous avez refusé de revoir les priorités et maintenu vos indicateurs et plans d’action divers et variés et ceci au mépris des conditions de travail des agents. Ceci est intolérable et inacceptable. Puisque nos alertes internes restent lettre morte, si une telle situation devait se reproduire, nous n’aurions pas d’autres choix que de prendre nos responsabilités en déposant un Danger Grave et Imminent.

 

Veuillez agréer Monsieur le Directeur Général nos salutations respectueuses.

Paris, le 16 décembre 2020.

 

CGT Pôle Emploi Nouvelle Aquitaine Section Poitou Charentes

27 rue du Pré Médard

86280 St Benoît

cgt.poleemploipoitoucharentes@laposte.net

 

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